LUCRATE MILK, Dada & Destroy

LUCRATE MILK, Dada & Destroy

Au sortir d'une nuit de rapine où ils ont déménagé des monceaux de carreaux de faïence d'une mosquée désaffectée, Masto et Laul se font la main sur quelques bouteilles de lait livrées devant une épicerie (grand classique de fin de virée). Comme tant d'autres en cette année 1979, ils ont un groupe virtuel, et viennent d'en trouver le nom : Lucrate Milk, le lait lucratif ! Ils pondent derechef le logo, dans une pure veine graphique punk. Dérision, sens de l'absurde, intox, provocation et dandysme arty, la ligne est déjà toute tracée depuis ce point de départ loufoque.

Masto : On a inventé ce groupe sans qu’il n’existe, on a passé un an à faire des tags, un peu partout. Ils ont eu un énorme impact, et l’on a commencé à en retrouver un peu partout qui n’étaient pas de notre fait. On allait dans les grues, on volait des grosses bombes de graisse, et ça, c’était super, quand tu taggais un mur et qu’il était repeint, la graisse traversait la peinture, et c’est comme si tu avais taggé un mur tout neuf ! C’était magnifique !

Durant les 2 années qui suivent, les murs de la capitale sont bombés de la griffe Lucrate par un gang de noctambules toujours en action. Le nom circule et la rumeur enfle ; il est temps de vraiment le monter, ce groupe !

LauL : Il y a eu une réaction… “Lucrate Milk, ça a l’air vachement bien…”. Il y en a même qui connaissaient, avant que ça n’existe, qui les avaient déjà vu en concert : "un super groupe anglais…" Il y avait déjà une légende avant qu’on ait commencé.

Laul joue vaguement de la basse sans vraiment l'entendre, Masto, qui déteste le jazz, choisit le sax, Gaboni se propose à la batterie et la bande rencontre Nina, américaine d'origine, qui prend donc le chant et le synthé (c'est d'ailleurs la seule qui ait quelques notions musicales, les autres étant tout à fait novices), nul besoin d'un guitariste, et c'est parti ! Peu après, Marsu, un pote fanzineur et animateur de radio, est bombardé manager.

LauL : J’ai rencontré Nina aux Arts Déco, et je l’ai branchée, surtout pour être mannequin des photos de Masto, parce qu’elle était très jolie, elle avait une belle présence. Elle a dit : “mais je sais aussi crier ! “ et elle nous a fait un putain de cri qui nous est resté. Voilà ce qu’on cherchait pour illustrer notre musique qui n’existait pas encore. On n’étaient pas musiciens et on a choisi l’instrument qu’on aimait le moins. Pour réagir, se le rendre agréable.

Les coïncidences favorables s'enchaînent : 3 mois après sa première répète, le groupe donne naissance à son premier 45 tours, démontrant qu'on a pas besoin de savoir jouer pour créer une musique originale et intéressante. Concerts retentissants, soutien du réseau des fanzines et des radios libres, échos dans la presse "branchée", le quatuor, maintenant flanqué de son choriste-mascotte-fouteur de chaos, Helno (futur chanteur des Négresses Vertes) et suivi par toute une raïa déjantée, parviendra à laisser en l'espace de 3 ans, une empreinte durable sur la scène parisienne.

Pas de démarche politique structurée, le groupe baigne dans le nihilisme et l'insouciance et aime jouer avec l'absurde, le culte de la provocation et de la dérision forcenée, la fascination morbide, la déviance et l'anormalité. Rajoutons une bonne dose de chaos, d'énergie trépidante et de déglingue pour produire un son bizarroïde entre post-punk barré, no-wave jazzy et anarcho-punk à la Crass.

Le groupe disparaît en février 84 après un dernier concert en apothéose au Théatre du Forum des Halles.

Laul : J'ai préféré arrêter, de crainte que l'on ne splitte.

C'est paradoxalement après l'arrêt du groupe que sa notoriété s'étend, notamment grâce au transfuge d'une partie de ses anciens membres au sein de Bérurier Noir. En 37 concerts, de salles glauques (avec baston générale) en squats autonomes, des bars et boîtes branchées (Pont-à-Mousson !) aux festivals (Berlin, Paris…), une légende urbaine se crée autour de Lucrate Milk, devenant une référence sans avoir vraiment rencontré de succès populaire de son vivant.

 

DISCOGRAPHIE
1981 - Lustiges Tierquartett  (EP) - Zeb Production
1983 - Nepla Relou (EP) - autoprod
1984 - split avec MKB Fraction Provisoire (LP) - Disques WW
1987 - I Love You Fuck Off (LP) - Bondage Records
1986 - Live (K7) - V.I.S.A.
1991 - La Rage Qui Vit (CD/K7) - Division Nada
2006 - Posthume 3 Pièces (DVD+2CD) - Folklore de la Zone Mondiale
2006 - La Crotte Molle (DVD) - Folklore de la Zone Mondiale
2016 - Live at Pont-à-Mousson (EP) - Archives de la Zone Mondiale

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